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ÉvA MARTONYI le personnage vu de dos, se tient dans une posture dimmobilité. Le titre original Wanderer, en allemand, est traduit par promeneur en frangais — ce qui suggére une légère différence de sens par rapport à l'original. Le terme allemand implique une activité plus consciente, la volonté d'atteindre un but, le plus souvent le sommet d’une montagne, tandis que le terme français est plus proche de flâneur, ainsi, le promeneur désigne plus souvent celui qui marche sans avoir un but précis. Il faut pourtant y ajouter que le terme allemand peut désigner également un mouvement, une marche sans but précis, et wandern est ainsi considéré comme une préfiguration du fläneur (utilisé couramment en allemand sous cette forme aussi). En même temps, le terme wandern implique également un parcours, non seulement physique, mais aussi intellectuel. Il suffit de se référer au titre du roman de Goethe, Wilhelm Meisters Lehrjahre und Wanderjahre. Celui qui entreprend un voyage en vue de compléter sa formation, en vue de l'apprentissage d’un métier, est désigné comme Wanderlehrling ce qui correspond en français au compagnonnage. Aujourd’hui, wandern désigne surtout une activité physique, une forme de promenade, une marche à pied, de préférence dans les montagnes ou ailleurs. Toujours est-il que le mouvement, sous diverses formes et de finalité diverses, s’inscrit dans le champ de la dualité mobilité / immobilité dont nous allons chercher, par la suite, les transformations et retranscriptions littéraires. Voyons encore quelques remarques à propos d’autres tableaux du même peintre. Les personnes représentées se trouvent souvent en contemplation devant des paysages fantastiques, leur regard semblant être dirigé vers l'infini, scrutant l’horizon perdu dans les brumes. Parmi les éléments des paysages évoqués, se trouvent aussi bien des scènes maritimes que des forêts mystiques, des montagnes, ou des phénomènes de la nature (par exemple un arc-en-ciel), ou bien encore des édifices (une cathédrale sous le brouillard, des ruines d’anciens bâtiments, des colonnes brisées, etc). Pour ce qui est de la littérature, les débuts de la représentation de cette imagerie remontent évidemment aux Réveries du promeneur solitaire de Rousseau. Le poète-philosophe, en fuyant les bruits et les soucis du monde, se réfugia dans la nature. Les deux aspects de la même attitude, c’est-à-dire l’immobilité et le mouvement — dans l’espace et dans le temps — ont donc une longue histoire, et devinrent de véritables topoï littéraires à l’époque du preromantisme, mais il survécurent même au-delà de l'époque romantique proprement dite, tout en englobant les aspects les plus variés de la contemplation de l'infini. Sans pouvoir examiner toute la riche et dense production littéraire allant du début du 19° siècle jusqu’à la naissance du genre établi au milieu du même siècle et qui sera couramment défini comme récit de voyage, force est de constater que * 108 +