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ÉTERNITÉ ET INFINI - LA CONTEMPLATION CHEZ CHATEAUBRIAND tout l’univers, toute la terre, les plantes ainsi gue les animaux, et surtout l’homme: «On pourrait dire que l’homme est la pensée manifestée de Dieu, et que l'Univers est son imagination rendue sensible. » Le 18° siècle n’a pas inventé la nature; il l’a retrouvée, avec la philosophie de la Renaissance et celle de l'Antiquité gréco-latine à laquelle s'ajoute une tradition chrétienne. En 1687, Isaac Newton, dans son ouvrage intitulé Philosophiae Naturalis Principia Mathematica, élabore la loi de la gravitation universelle selon laquelle dans l'univers tous les corps s’attirent mutuellement. C’est cette force qui est la cause de ce que les objets tombent au sol. Newton démontre également que la gravitation force la lune à tourner sur un trajet elliptique autour de la terre comme les autres planètes tournent autour du soleil. Newton reconnaît en outre que les étoiles s’attirent les unes les autres et que pour cette raison, elles doivent elles aussi se mouvoir. Mais pourquoi ne tombentelles pas les unes dans les autres ? Parce qu'elles s’étalent au travers l'harmonie cosmique d’un univers infini, ainsi n’existe-il pas un centre unique d'attraction qui pourrait les aspirer et les faire s’entre-detruire. La théorie de la gravitation n’est pas une simple découverte. Elle implique une vision de la nature et une conception scientifique contraires à l'esprit mécaniste. Dans la théorie de Newton, on voit être réconciliées la raison et la foi étant donné qu’il définit les limites de l'explication rationnelle de l'univers. On sait que c’est grâce à la traduction de Voltaire, un demi-siècle après la première publication des Principia, que le public français prend connaissance de la théorie de Newton. Voltaire veut rendre populaire les pensées de Newton mais dans sa version elles sont peu séduisantes. Son Dieu épistémologique™ manque de chaleur par rapport au Dieu biblique. La pensée religieuse de Newton est l’inspiratrice de son œuvre scientifique. Le savant anglais oppose à la physique déductive de Descartes les données de l'expérience et il fonde une méthode inductive sur la métaphysique et la théologie. Dans son système, Dieu est une nécessité naturelle, rationnelle dans le langage des mathématiques mais il est aussi arbitraire et accessible à la seule expérience. C’est cette évidence de l'existence divine qui sera le point de départ dans la méthode ascendante, et donc inductive, des réflexions de Chateaubriand dans le Génie. La nature, décrite dans la théorie de la gravitation, n’est plus qu’un ensemble de masses en mouvement dans le temps et dans l’espace selon des lois 13° Génie. I, V, IL p. 558. 4 Expression de Jean Ehrard, op. cit. p. 76. + 101 +