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OLIVIER SCHEFER par Novalis à l’espace intérieur, infini et sans bornes, est toujours contrebalancée chez lui, comme c’est le cas pour Schelling, par l'affirmation contraire qui souligne la fragilité de cet espace sans objet réel, menaçant de se perdre dans l’informe et Vindéfini: « l’intérieur est sombre, solitaire et informe », note ici encore Novalis qui écrit dans un autre manuscrit que si le monde intérieur m'est plus proche que le monde extérieur, et s’il nous est plus familier, il est regrettable qu’il soit «si onirique et si incertain’’.» Et du reste le mouvement d’introspection s'accompagne toujours chez lui d’un pas au dehors, d’une mise à l'épreuve de l'esprit dans le monde, comme il l'écrit ici: « Le fait de se déprendre de soi-même est la source de tout abaissement, comme à l'inverse le fondement de toute élévation authentique. Le premier pas estun regard jeté dans l’intérieur, une contemplation isolant notre Soi. Celui qui en reste là ne parvient qu’à mi-chemin. Le deuxième pas doit être un regard efficace vers l'extérieur, une observation par elle-même active et soutenue du monde exterieur'?. » En somme, comme l'indique aussi cette brève comparaison entre Schelling et Novalis, pour comprendre l'ambition philosophique et poétique du premier romantisme allemand, celle en particulier de Novalis, il est indispensable de mettre au cœur cette dialectique entre l'infini et le fini, faute de quoi l'on disjoint les fils de sa pensée et de son art. En vérité tout se passe et se pense chez lui dans le passage réversible de l'infini au fini, de l'imagination au monde réel. L’infini dans le fini ou le fini infini : symbole et inachèvement Novalis ne cesse de mettre le monde intérieur (la religion du cœur, le rêve, le moi) à l'épreuve du monde extérieur. Il n’y a pas de repli chez lui sur la «belle âme », niant l’effectivité, comme le voulait Hegel. Toute la question à laquelle Novalis s'efforce de donner une ou plutôt des réponses est de savoir comment représenter et manifester ce passage, cette dialectique qui engage la liberté et la nature, le moi et le monde. On pourrait retenir ici deux acceptions majeures de cette dialectique novalissienne, le symbole et l’inachèvement. Malgré une certaine parenté avec la conception schellingienne et hégélienne de l’œuvre prise pour l’union du contenu spirituel intérieur et de la forme extérieure, la conception romantique du symbole diffère de l’acception hégélienne 1 Novalis, Le Brouillon général, trad. Olivier Schefer, Paris, Allia, 2000, fragment 617, p. 160. 2 Novalis, Pollen. In Semences, op. cit., p. 74. «92 ¢