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ILONA Kovács dresse le bilan de sa vie toujours devant Dieu, qu’il s’agisse de son existence privée ou de sa carrière diplomatique, politique et militaire. Pourtant, quand il se confesse devant Dieu pour ses faits d'homme privé dans la Confession, il le fait en latin, en suivant rigoureusement l'exemple de Saint Augustin, tandis que pour ses faits de personnalité publique, il utilise la langue commune de son époque pour se faire comprendre par un public plus large, dans ses mémoires. Ces deux «je » ne sont pas les mêmes, puisque l’un ne parle que de lui-même, l’autre envisage d’autres personnes impliquées dans la lutte menée par lui comme chef d’une rébellion contestée dans la presse internationalef et les négociations diplomatiques et politiques déjà durant les événements. Siles historiens ont considéré les mémoires comme une œuvre de propagande, je soutiens personnellement l'hypothèse selon laquelle cette interpretation est trompeuse, fondée sur le seul critère du choix de la langue. Le texte contredit l'hypothèse propagandiste sur tous les points, et j'y ajouterais en plus une référence à la publication posthume qui invalide, au moins partiellement, toute réflexion arbitraire sur les intentions de l’auteur. Indépendamment de sa volonté, cela pourrait être la conséquence d’un malheureux concours de circonstances extérieures, mais c’est l'esprit du repentir qui domine son examen de conscience et non pas des ambitions diplomatiques. Je me propose donc d'étudier la préface des Mémoires et certains passages du récit pour montrer que la finalité du texte est absolument contraire à toute intention de propagande politique. Au contraire, il est imprégné de l'humilité du chrétien qui se reconnaît infiniment petit devant l’immensité de Dieu et qui autorise le prince à chercher la vérité aussi cruelle qu'elle puisse s'avérer. Il ne craint pas ainsi de traiter ses soldats et ses officiers aussi bien que lui-même sans indulgence, en parlant d’incompétence et d’ignorance en évoquant les malheurs causés par la guerre. Dans l’Épître qui sert d'introduction à l'ouvrage, il se présente comme un pécheur parmi les autres. C’est cette préface introduisant la rétrospection historique proprement dite qui identifie clairement Dieu (la Vérité Éternelle) comme destinataire absolu des mémoires. Il voit en lui son but final, et dans la contemplation, qui avait déjà dirigé antérieurement toutes ses actions, la seule voie qui mène à la Vérité. Il se met dans la posture du repentir, dans sa qualité d'homme public cette fois-ci, pour pouvoir raconter les faits historiques devant le seul juge qu'est Dieu, et à qui il laisse tout pouvoir de juger les événements. Il explicite ses objectifs : l'opinion publique doit reconnaître que lui, ayant agi comme le commun des mortels, bien qu’il ait été élu pour diriger # C'est la raison pour laquelle Räkéczi avait fait publier en plusieurs langues des manifestes et des pamphlets (dont le célebre Recrudescunt.../Meg-ujjulnak..., 1703-1704) et un périodique (Mercurius Veridicus 1703-1710) pendant la guerre. + 70 +