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LA CONTEMPLATION DES ESPACES INFINIS SELON PASCAL cette réflexion, c’est a la raison de l’effectuer. Limagination s’avére donc puissance trompeuse quand l’homme veut créer un rapport à Dieu à l’aide de cette faculté et en négligeant la raison. Pascal n’est pas le seul à souligner qu’il faut se méfier d'imaginer Dieu à partir des choses finies. Descartes lui-même insiste sur ce point dans une lettre à Mersenne en parlant de la création des vérités éternelles. Il est temps, écrit-il, « que le monde s’accoutume de parler de Dieu plus dignement, ce me semble, que n’en parle le vulgaire, qui l’imagine presque toujours ainsi qu'une chose finie”. » Toutefois, Pascal ne rejette pas entièrement la possibilité de maîtriser l’imagination par la raison, et d’en faire un bon usage dans son rapport au divin. Selon ma thèse, le processus de la contemplation définit, dans le fragment 199, le bon usage de l'imagination au moment où l’homme veut se détourner du naturel pour se tourner vers le surnaturel. De quoi s'agit-il ? Pendant tout le processus, l'imagination est gouvernée par la raison et est forcée de représenter la nature infinie. Cette contrainte, comme nous l’avons montré, rend impossible de passer de la nature sensible à Dieu, étant donné que l'imagination ne peut pas parcourir l’infini, ni s'élever à l’intelligible pure. Afin de saisir l’objet de la contemplation, notamment la nature infinie, l'imagination doit mettre en œuvre toute sa force. En ce faisant elle est obligée de constater que l'infini échappe à sa capacité représentative. L’imagination est d’abord poussée à l’extrême, ensuite elle fait l'expérience de son échec. L'échec de l’imagination provoque une expérience intérieure mais qui est opposée à l'expérience ultime de la contemplation traditionnelle. Au lieu de trouver le point absolu, cette expérience consiste en la perte de tous les points de repère; au lieu de parvenir à l’Un, l'échec de l'imagination consiste à se perdre dans l’infinité irreprésentable. Bien que l'expérience que la perte de l’imagination provoque soit une expérience négative, elle n’est pas moins une expérience. Sans aucun doute, elle n’est pas l'expérience de la présence de Dieu: elle est l'expérience de son absence. Limagination gouvernée par la raison dans la contemplation, loin de former une fausse image de Dieu et de l'éternité, provoque l'expérience de l’absence de Dieu dans la nature. La contemplation dans le fragment 199 parvient donc, à travers le bon usage de l'imagination, à l'expérience de Dieu typiquement pascalienne, celle du Dieu caché. La perte de l'imagination lors de la contemplation de la nature infinie cause une expérience intérieure qui semble correspondre à l'émotion du sublime, telle que Kant le décrit dans la Critique de la faculté de juger. Pour Pascal, «le caractère sensible » et naturel de Dieu est un sentiment que l’homme éprouve si son 19 Lettre 4 Mersenne, le 15 avril 1630. +65 +