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TAMÁS PAVLOVITS naturels’, « Manque d’avoir contemple ces infinis les hommes se sont portés témérairement à la recherche de la nature comme s’ils avaient quelque proportion avec elle s (199) — écrit Pascal un peu plus bas. Pourquoi parle-t-il donc du caractère sensible de Dieu à propos de l'échec de l’imagination, alors que le caractère inconcevable et irreprésentable de la nature rend évidente l'impossibilité de former des preuves rationnelles de l’existence de Dieu ? Cela revient à demander quel rapport peut s'établir entre l'imagination et le divin selon Pascal au cours de la contemplation. Afin de définir ce rapport, il est utile de comparer la contemplation pascalienne avec la contemplation traditionnelle. La contemplation selon la tradition antique et médiévale A défaut de donner une présentation exhaustive de la littérature philosophique traitant de la contemplation, examinons quelques passages importants afin de dégager les traits caractéristiques de cet acte intellectuel. La contemplation a donné lieu 4 une littérature trés riche dans la tradition antique et médiévale. Sa theorie est élaborée pour la premiere fois par Platon et Aristote que Festugiére nomme « les théoriciens et les apötres de la contemplation »*. La contemplation joue un réle important dans la pensée stoicienne et néo-platonicienne. Au MoyenAge, les penseurs chrétiens conservent les traits caractéristiques de la contemplation antique et ne les modifient que légèrement. Ce sont surtout les mystiques qui en font la théorie. La théorie et la pratique de la contemplation se fondent sur un arrière-plan cosmologique, ontologique et théologique où ces trois doctrines trouvent un accord parfait. L'objet principal de la contemplation, selon les théories antiques, est l’ordre cosmique à travers lequel le divin se donne à voir. D’après son étymologie, le mot grec « theoria » (contemplation) a une parenté avec le mot « ordo » qui signifie voir ou observer. Pour contempler il faut d’abord voir. La contemplation passe toujours du sensible a l’intelligible et assure, de cette mani£ere, |’élévation du naturel au surnaturel. Platon, dans le Timée, présente ce processus de la maniére suivante: « Pour nous, nous dirions que la cause en vertu de laquelle le dieu a inventé la vision et nous en a fait présent est la suivante et toujours la méme. Ayant contemplé les mouvements périodiques de l’intelligence dans le Ciel, nous les utiliserons, en les transportant aux mouvements de notre propre pensée, 7 Nous trouvons la méme conception dans le fragment 418 où l’infinité de la nature crée une rupture infranchissable entre le fini et Dieu. 8 A.J. Festugiére, Contemplation et vie contemplative selon Platon. Paris, Vrin, 1936, p.18. « 58 ¢