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TAMÁS PAVLOVITS doctrine pascalienne qui refuse de déduire l’existence de Dieu à partir de l’observation de la nature ? Examinons la phrase en question dans son contexte. Après quelques passages rayés, le fragment « Disproportion de l’homme » (199) commence par la phrase suivante : «Que l’homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté » (199). Il s’agit donc de décrire le processus de la contemplation conduisant à l'échec de l'imagination. L'objet de la contemplation est la totalité de la nature. Le processus part des choses sensibles, qui entourent l’homme, pour s'élever à la contemplation des choses célestes. « [Que l’homme] éloigne sa vue des objets bas qui l’environnent. Qu'il regarde cette éclatante lumière mise comme une lampe éternelle pour éclairer l’univers, que la terre lui paraisse comme un point au prix du vaste tour que cet astre décrit, et qu’il s'étonne de ce que ce vaste tour lui-même n’est qu'une pointe très délicate à l'égard de celui que ces astres, qui roulent dans le firmament, embrassent. » (199) Dans un premier temps, la contemplation s'effectue de manière sensible, a savoir par les yeux. Le tour des étoiles désigne la limite de la vue mais cette limite est loin d’être celle de la nature. C’est pourquoi la contemplation doit se poursuivre par l’imagination : « Mais si notre vue s'arrête là que l’imagination passe outre, elle se lassera plutôt de concevoir que la nature de fournir » (199). Si la vue est limitée, l'imagination ne l’est pas. Son caractère lui permet d'approcher facilement de l’objet ultime de la contemplation : Pascal affirme dans une de ses lettres, que «l'imagination a cela de propre qu’elle produit avec aussi peu de peine et de temps les plus grandes choses que les petites »°. Limagination joue donc un rôle indispensable dans la contemplation de la nature, parce qu’elle est à même de représenter les parties qui s'étendent au-delà des limites de la vision sensible. Lors de la contemplation de la nature, l'imagination s'efforce de la représenter telle qu’elle est. Il semble cependant qu'une autre faculté intervienne dans la contemplation: celle de la conception. Pascal souligne qu'aucune idée intelligible n’approche la réalité de la nature et que « nous avons beau enfler nos conceptions au-dela des espaces imaginables, nous n’enfantons que des atomes au prix de la réalité des choses » (199). En distinguant entre l'imagination et la conception, Pascal semble suivre Descartes. Selon la Sixième méditation, la conception demande moins d'effort que l'imagination et s'étend au-delà de celle-ci. Alors 5 Lettre de Pascal au Père Noël, in Pascal, Œuvres complètes. Ed. J. Mesnard, t. IL Paris, Desclée de Brouwer, 1970, p. 552. + 56 +