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Tamás Pavlovits La contemplation des espaces infinis selon Pascal x Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie » (fragment 201)!. Cette phrase, sans doute la plus célébre des Pensées de Pascal, indique la dimension affective du rapport qui s'établit entre l’homme moderne et l’univers infini. En commentant cette phrase on oublie souvent qu’à l’âge classique le terme « effroi » a signifié non seulement quelque chose de terrible, mais également quelque chose d'étonnant et d’admirable?. La naissance simultanée des émotions de peur et d’admiration en l’homme est, selon Pascal, le résultat de la contemplation des espaces infinis. La procédure de la contemplation de l’univers infini est décrite en détail dans le fragment 199 intitulé « Disproportion de l’homme ». Dans cette procédure, l'imagination joue un rôle centrale. Afin de comprendre comment Pascal interprète la contemplation de l'infini, il faut donc examiner le fonctionnement de l'imagination dans la contemplation de la nature infinie. Ce faisant, je m'interrogerai sur le rapport qui existe entre la faculté de l'imagination et la conception du sacré selon Pascal. Ainsi, je me bornerai à analyser une phrase unique des Pensées qui se trouve à la fin du premier paragraphe du fragment intitulé « Disproportion de l’homme » et qui affirme la chose suivante: «Enfin c'est le plus grand caractère sensible de la toute-puissance de Dieu que notre imagination se perde dans cette pensée » (199). Autrement dit, la réalité de la nature infinie est inimaginable et irreprésentable, et l'échec de l'imagination dans ce processus révèle la toute-puissance de Dieu. La question qui se pose à propos de cette phrase est de savoir comment, dans le contexte de la contem1 Nous citons les Pensées à partir de l'édition de Pascal, Œuvres complètes. Éd. Lafuma, coll. « Lintégrale », Paris, Seuil, 1963. Cette étude a été rédigée avec le soutien du programme de recherche OTKA (projet n° K81165). 2 V. Tamas Pavlovits, Le rationalisme de Pascal. Paris, Publications de la Sorbonne, 2007, 147-148. 3 L'interprétation pascalienne de l’imagination a été l’objet d’analyses profondes dans des contextes différents. Nous renvoyons au livre de Gerard Ferreyrolles, Les reines du monde, l'imagination et la coutume chez Pascal. Paris, Honoré Champion, 1995, et 4 l’ouvrage de Jean-Pierre CLERO et de Gérard BRAS, Pascal, Figures de l'imagination. Paris, PUF, 1994. + 54e