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CONTRASTE SUR LE RAPTUS Nous allons maintenant présenter une autre interprétation du raptus de Paul, gui remonte a la méme épogue, mais gui appartient a un contexte différent, celui de la prédication". Il s’agit d’une piste de recherche nouvelle, puisque le texte que nous allons maintenant présenter est inédit et, à notre connaissance, il n'existe pas d'étude sur les tendances que l’auteur manifeste. Le manuscrit Paris, BnF lat. 15034, contient un recueil de sermons prêchés à l'époque de Thomas d'Aquin (fin du xrri° s.)%. Le sermon qui nous interesse commence par le théme « Scio hominem raptum et usque ad tertium celum » (II Cor. 12, 2). Le texte est anonyme” et le manuscrit parisien en est, très probablement, le seul témoin aujourd’hui existant. Il s’agit, à notre avis, d’un texte d’une grande beauté littéraire!$. Le prêcheur anonyme propose une interprétation symbolique du raptus de Paul. Ici, il n’est plus question d'expliquer une expérience dans l’histoire, à savoir l'expérience de l’apôtre Paul, mais de trouver le sens moral (tropologique) caché dans le récit du raptus*. Selon cette interprétation, les trois cieux symbolisent trois modes, ou plus précisément trois phases, de la contemplation de Dieu. Le premier ciel correspond au début de la contemplation : l'âme qui s’apprête à contempler Dieu, commence par rassembler les pensées qui désirent Dieu. Ce rassemblement se présente sous la forme d’une introversion, d’un repliement de l’âme sur elle-même ; l’âme retire en elle-même ses pensées, les convoyant toutes envers Dieu ; elle commence alors à désirer Dieu avec toutes ses entrailles, viscéralement. Notre prêcheur exemplifie ce mouvement d’introversion par la division des eaux, inférieures et supérieures, que Dieu accomplit au début de la création. La confusion des eaux inférieures et supérieures précédant la création symbolise le mélange de pensées divines et profanes, mélange qui occupe l’âme avant que celle-ci ne se concentre sur ellemême. La création du ciel a pour effet, outre le détachement des pensées surnaturelles, l'apparition de la terre aride : le début de la contemplation est en se raptum, non solum ad tertium caelum, quod pertinet ad contemplationem intellectus: sed etiam in Paradisum, quod pertinet ad affectum »). 15 Sur la prédication médiévale, V. au moins Longère, Jean, La prédication médiévale, Paris, Etudes augustiniennes, 1983; Bataillon, Louis-Jacques, La predication au xiü° siecle en France et Italie. Etudes et documents, avant-propos de D’Avray, David, Beriou, Nicole, Aldershot, Ashgate, Variorum, Variorum Collected Studies Series, 1993. 16 Une description détaillée du manuscrit dans Thomas de Aquino, Sermones ..., Introduction (Edition Léonine t. 44.1, p. 67*-75*). 17 Le manuscrit 15034 se borne a « De beato Paulo », en correspondance du début du sermon. 18 L'édition intégrale de ce texte sera publiée dans une étude à paraître. 1 Sur l’exégèse biblique au Moyen-Âge, la bibliographie est immense. Nous nous bornons ici à signaler deux études fondamentales : Smalley, Beryl, The Study of the Bible in the Middle Ages. Oxford, University of Notre Dame Press, 1983 (3° éd.); Dahan, Gilbert, L'exégèse chrétienne de la Bible en Occident médiéval. Paris, Les éditions du Cerf, 1999. s 49 +