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Avec les entremets sucrés, le vin de xérés. Pendant le dessert, les vins de muscat, d’Alicante (blanc), de Malvoisie, de Constance, de Tokay... ou de Grenache...ou de Banyuls...Dans bien des maisons, les vins de Champagne secs et doux sont présentés dés le début du diner, frappés ou non frappés, quelques personnes ayant Vhabitude d’arroser tout leur repas de vin pétillant. Ajoutons bien vite, mais il fallait donner des renseignements pour tous les goûts et pour tout le monde, que, dans les maisons où on a de véritables traditions gastronomiques, les vins sont parfaits, mais non variés à l'infini : vin du Cap, deux sortes de Bordeaux et deux sortes de Bourgogne (plusieurs convives ne supportant que l’un ou l’autre), du vin de Chypre et, à la fin, le dessert presque terminé, du vin doux de champagne, cette étincelante boisson du vieux sol gaulois semblant indispensable pour bien terminer un dîner français 5". Mais, en cette fin du XIX* siècle, le nouveau savoir-vivre gastronomique et la manière de marier les vins de qualité et les mets ne sont plus l’apanage des seuls milieux aristocratiques : les diners des riches bourgeois et de ces homini novi dont les moyens sont grands, tels les ingénieurs ou des avocats fortunés, appliquent les mêmes protocoles que l’on retrouve en raccourci dans des milieux plus populaires qui ont les moyens suffisants pour réunir, notamment à l’occasion de mariages ou de décorations, quelques déjeuners ou dîners exceptionnels. Ainsi, les choix des vins de qualité qui s'étaient développés dans la haute société à partir de la fin du XVII siècle, la manière de les boire, l’ordre dans lequel le faire et leur accord avec les mets servis avaient pénétré lentement le reste de la société française, dans un processus qui a donc été initié par la société de cour comme l'avait souligné dans d’autres domaines Norbert Elias”. Gilbert Garrier a également insisté sur cette évolution : le choix d’un vin est bien social et culturel, et il se fait par imitation »!°°, Il y a dans tout cela à coup sûr un souci de distinction sociale, les vins doux et liquoreux ayant été dans un premier temps, par suite de leur prix, réservés aux plus riches. Boire ces vins était « la marque du bon goût », a souligné Frédéric Duhart à propos des vins doux et liquoreux ibériques, mais cette appréciation peut être étendue à tous les vins semblables. Au demeurant, le même auteur rappelle, à partir d’une remarque de Jean-Louis Flandrin, qu’ils ne se buvaient pas de la même manière que les autres : « les vins comme ceux d’Andalousie se servaient purs dans de petits verres, autrement dit d’une manière très différente de celle utilisée pour les vins courants »l1, *8 Baronne Staffe, Règles de savoir-vivre dans la société moderne, Paris, [Éditions Victor Havard, 1892], reed. Paris, Tallandier, 2007, p. 155. — Ce passage est cité et replacé dans le contexte des manuels de savoir-vivre par Pierre Guillaume, « Vins, verres et savoir-vivre aux XIX* et XX° siècles », dans Le verre et le vin, de la table a la cave..., op. cit., p. 381-389, loc. cit. p. 384. 99 Norbert Elias, La civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Lévy, 1973 ; La société de cour, Paris, Flammarion, 1985. 100 Histoire sociale et culturelle du vin, op.cit., p. 117. 101 « Los vinos andaluces en la Francia ilustrada », art. cit., p. 255-256. 174