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des historiens du Bordeaux, Sandrine Lavaud affiche trés clairement la couleur. En parlant à la suite des géographes d’«une révolution de la qualité » au XVII: siecle les historiens auraient nié l’historicité du vin de Bordeaux. Selon elle, il faudrait présenter une évolution longue et les clarets produits au Moyen Âge devraient être réhabilités car ils méritent toute la considération de l’historien : « Le claret a été un produit de consommation de masse qui a aussi satisfait les élites-le roi d'Angleterre en premier chef-, et ce, bien au-delà du Moyen Âge, au moins jusqu’à la fin de l'Ancien Régime ; un tel volume de production sur cette relative longue durée a nécessité un régime cultural et technique apte à répondre à la demande du marché et au goût des consommateurs. On peut s'étonner que les historiens qui s'y sont intéressés par exemple pour le blé, n’y aient pas prêté plus d’attention*?. » L'objectif est de nier l’idée d’une révolution de la qualité au X VIT siècle qui aurait été conduite par les élites nobiliaires et de réhabiliter les petits vignerons. Certes, les nombreux travaux des historiens modernistes sont évoqués dans une seule note où ils sont regroupés mais ils ne sont absolument pas utilisés, y compris pour les critiquer. On parle à partir de la thèse de René Pijassou de « sanctuarisation de l'effet rupture et d’exaltation de l’avènement de la qualité. », ignorant totalement tout l'apport des thèses récentes. Jean-Michel Chevet se situe dans la même perspective quand il écrit à particulier pour le Sauternais : « a en croire l’historiographie, les « élites » auraient joué un rôle primordial et moteur dans la mise en place des innovations agricoles au cours du temps, les exploitants ayant été routiniers®! ». Pour couronner le tout, les géographes sont même soupçonnés de « fonctionner en réseau » avec le milieu professionnel contemporain”. Dès l'automne des gentilshommes en 2002, nous écrivions sur le sujet : « Certes des chateaux médiévaux existaient, comme Agassac et Lamarque en Médoc, ou le Grand Puch a Saint-Germain du Puch, mais ils n’avaient, au départ, aucune vocation viticole et ce n’est qu’au fil du temps, qu’ils sont devenus, des crus, quand la vigne s’est imposée autour comme culture. Au bas MoyenÂge, les demeures de quelque valeur, qui siégeaient dans le vignoble, étaient qualifiées de maisons nobles, mais l’on rencontrait surtout des bourdieux dans le plat-pays bordelais. Ce terme, qui apparaît dans quelques actes notariés du XIII siècle, sous sa forme gasconne de Bordiu se généralise au siècle suivant. » Dans la synthèse co-écrite avec Gérard Aubin et Philippe Roudié, Bordeaux vignoble millénaire, les auteurs fournissent des exemples de regroupement de terres qui débouchent sur la constitution de bourdieux dès le XVI siècle. Ainsi Antoine Balot, docteur en médecine, pour son bourdieu de Caudéran. Entre 1585 et 1601, Balot achète 15 parcelles de terres à plusieurs habitants de Caudéran. Il y bâtit une 39 Sandrine Lavaud, op.cit., p. 31. #1 Jean-Michel Chevet, op.cif;, p. 79. % Sandrine Lavaud, op. cit, p. 35. #% Michel Figeac, L'automne des gentilshommes, Noblesse d'Aquitaine, noblesse française au siècle des Lumières, Paris, Champion, 2002, p. 140. 113