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de liqueur, que notre doucereux muscat, dont senorgueillissent, plus guil ne vaut, Lunel, Frontignan, Rivesaltes. Gardons ce muscat pour nos dames »“!. Les saveurs très sucrées comme celle des confiseries sont alors considérées comme plus faciles d’accès (pour les enfants et les femmes) et surtout ne réclament pas un apprentissage (propre aux hommes et socialement légitimé) pour être appréciées“. Par ailleurs, un discours plus critique sur les risques des saveurs sucrées se manifeste également. Le premier est d'ordre médical. Les vins doux peuvent entraîner des échauffements et, à ce titre, sont jugés de manière très ambivalente. Le Dictionnaire des aliments, malgré ses éloges, reprend une mise en garde classique à propos des vins d’Espagne : « ces sortes de vin ont une consistance de syrop et un goût fort doux ; mais l’usage fréquent en est dangereux pour la santé ». Il ajoute que ces vins doivent être bus en petites quantités et souligne pour le Frontignan et le Rivesaltes qu'ils « ne conviennent point pour l’usage ordinaire »*. La teneur en alcool de ces vins, bien plus importante que celle des autres vins (moins de 10 degrés pour les Bordeaux, par exemple), explique sans doute ces avertissements. D'après les chiffres disponibles pour le milieu du XIX' siècle, mais sans doute assez proches de ceux du siècle précédent, les vins de Jurançon, de Malaga, de Chypre et de Sauternes oscillent entre 14 et 16 degrés“. Le deuxième motif de critique est d'ordre économique. Beaucoup de ces vins sucrés recherchés sont des vins d'importation, ce qui, dans une pensée toujours fortement nourrie par les principes du mercantilisme, conduit à critiquer des consommations jugées parfois excessives. Le Dictionnaire du citoyen évoque ainsi le danger que peuvent représenter ces vins : « Les vins de liqueur les plus connus, sont les vins du Cap, des Canaries, de Madère, de Malvoisie, de Chypre, de Xeres, de Malaga, de Pacaret, de Rota, d’Alicante & autres vins d'Espagne. Celui de Tokay, dans la Haute-Hongrie est très précieux. Tous ces vins ornent très bien les desserts, mais ils ne sont pas à beaucoup près aussi salubres que nos bons vins François. Le luxe seul met un prix aux premiers ; on peut même les regarder comme autant d’ennemis domestiques, qui portent bientôt partout le trouble & l'incendie lorsqu'on en use trop familièrement avec eux »#. II s’agit ici de défendre les productions nationales parées de toutes les vertus et qualités face aux vins étrangers. Le succès grandissant des vins de Sauternes évoqué précédemment s'inscrit clairement dans ces nouvelles tendances culinaires. Ces vins blancs des environs “| Francois Marlin, Voyages en France et pays circonvoisins depuis 1775 jusqu'en 1807, Tome I, Paris, 1817, p. 277. 2 Florent Quellier, « Une première mondialisation alimentaire fin XV°-XVIII° siécle », dans Florent Quellier (dir.), Histoire de l'alimentation de la Préhistoire à nos jours, Paris, Belin, 2021, p. 590. # Dictionnaire des aliments, vins et liqueurs, leur qualité, leurs effets relativement aux différens âges & aux différens tempèraments, vol. 3, Paris, 1750 p. 527 et 530. # Jean-Louis Flandrin, « Usages et fonctions du vin », Chronique de Platine. Pour une gastronomie historique, Paris, Odile Jacob, 1992, p. 283. # Dictionnaire du citoyen ou abrégé historique, théorique et pratique du commerce, Tome 2, Amsterdam, 1762, p- 250. 92