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mise en lumiére par Jean-Louis Flandrin favorise cet engouement". Comme le peuple commence a avoir accés au sucre brut venu des Antilles, les élites sociales saadonnent a une sorte de surenchére sucrée gui devient un goút trés valorisé prenant alors des formes variées!2. À la table de Louis XVI et de Marie-Antoinette, par exemple, les gâteaux de toute sorte prennent une place de choix au moment du dessert : choux meringués, profiteroles au chocolat, massepains, etc". À Paris comme en province, les journaux d’annonce suscitent le désir de consommation à travers des annonces de confiseurs qui proposent des confiseries multiples (bonbons, confitures, pastilles, pâtes de fruits). La devanture alléchante du confiseur devient le symbole de cet attrait du sucre qui croît au cours de l’époque moderne. Les boissons exotiques alimentent cet engouement pour le sucré : chocolat, thé, café. La limonade et l’orgeat sont aussi très appréciés. On peut penser également au punch a la mode chez les élites européennes de Lumiéres. Comme il le relate a plusieurs reprises dans ses Mémoires, Casanova déguste avec plaisir cette boisson alors servie chaude et sucrée™. Cet engouement sans précédent ne peut que profiter aux vins doux. Comme pour les autres vins, des vertus médicales leur sont en outre depuis longtemps attribuées et participent de leur succés. La consommation des vins s’inscrit en effet dans les principes de régimes de santé imprégnés des théories humorales héritées de l'Antiquité". Chaque aliment ou boisson participe à un équilibre des humeurs. Selon ces principes diététiques, à l’instar du sucre, les vins doux sont considérés comme chaud, ce qui fait d'eux un produit qui réchauffe le corps. Ils sont censés ainsi faciliter la digestion. Pour ces motifs médicaux, leur position est tout à fait singulière au sein du rituel du repas et dans la consommation des boissons. Comme le rappelle Benoît Musset, ces principes médicaux servent cependant avant tout à légitimer des pratiques sociales en vigueur tout au long de la période!f. Les vins doux sont des vins chers, prisés des élites qui souhaitent conserver le privilège de leur consommation et leur attribuent donc des caractéristiques particulières. Leur succès grandissant est en étroite relation avec l’évolution générale des goûts des élites et de l’art culinaire en France et en Europe. Les vins doux réputés chauds occupent une position à part dans l'univers des boissons, entre vin ordinaire et remèdes. Mais ces vins souvent de luxe aux saveurs sucrées possèdent aussi une valeur sociale distinctive qui explique une vogue qui ne se dément pas. 1 Jean-Louis Flandrin, « De la diététique à la gastronomie ou la libération de la gourmandise », dans JeanLouis Flandrin et Massimo Montanari (dir.), Histoire de l'alimentation, Paris, Fayard, 1996, p. 683-703. 2 Maud Villeret, op. cir., p. 276-290. 13 Archives Nationales, K 1719, Diners et soupers de la famille royale (1779-1792). 4 Ilona Kovács, P/aisirs de bouche, Librio, Paris, 1998. 15 David Gentilcore, Food and Health in Early Modern Europe. Diet, medicine and society, 1450-1800, Bloomsbury, London, 2016. 16 Benoit Musset, « Entre salubrite, conservation et goüt : définir le « bon vin » en France (1560-1820) », Revue historique, 2016, n°677, p. 57-81. 87