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augmentent de prix quand ils sont vieux. Ce vin, gardé vingt 4 trente ans, devient égal ou supérieur aux vins d’Espagne, de Canarie et de Malaga et on les appelle vins de l’arrière-saison, ainsi que tous ceux qu’on ne vend que vers le mois de mars ou plus tard ». Cette présence des vins blancs doux de la région de Sauternes dans la littérature agronomique constitue un indice permettant de mesurer combien la réputation de Sauternes, de Barsac et de Preignac est liée à ce type de vin. Cette reconnaissance se retrouve aussi dans les observations de nombre d'amateurs éclairés et voyageurs. Ainsi, dans ses Travel Diairies, Thomas Jefferson relate son passage en Sauternais a la fin du mois de mai 1787. « Le vin de sauternes est le plus agréable ; viennent ensuite, dans l’ordre, celui de Preignac et celui de Barsac. Mais celui de Barsac est le plus corsé, suivi de celui de Preignac puis celui de Sauternes ; tous sont plus corsés que ceux de Graves. Près de Langon où se trouve le terroir de Sauternes, sont produits les meilleurs vins blancs de Bordeaux ». La consommation de ces vins blancs doux par les élites de la capitale mais aussi les voyageurs étrangers comme Thomas Jefferson confirment bien l’idée que la réputation du vin passe par celle des consommateurs et réciproquement, jusqu’à la reconnaissance d’une production bien identifiée et sanctionnée par le classement de 1855. Réalisé avec l'appui de la Chambre syndicale des courtiers de Bordeaux, ce classement se présentait comme le reflet d’une réalité du moment fondée sur les cours des vins et il établissait des normes de qualités et de goûts pour le terroir viticole du Sauternais. Le viticulture de qualité comme tête de pont du terroir Ces différentes marques de construction d’une viticulture de qualité autour des blancs liquoreux, elles témoignent également d’un long processus social et historique contingent où les vins sont l'expression d’un milieu social particulier. En effet, lorsque Thomas Jefferson poursuit sa description des vignobles du Sauternais, il distingue, à l’intérieur de chacune des paroisses du Sauternais, les meilleurs crus. « 1. Sauternes. Le meilleur vignoble appartient à Monsieur d’Yquem, de Bordeaux ou à son gendre Monsieur de Saluces. Leur production est de cent cinquante tonneaux, à trois cents livres le tonneau lorsque le vin est jeune, et six cents livres lorsqu il est vieux (...). Les vins de 1784 se vendent huit cents livres le tonneau car ce fut une année exceptionnelle ». Il poursuit ainsi pour chacune des paroisses considérées, distinguant et classant les vins en fonction des prix mais aussi des soins apportés à la vigne par les différents propriétaires et soulignant la noblesse de chacun d’eux. La qualité reconnue des vins s'inscrit donc bien dans un champ social déterminé et elle représente l’expression d’un milieu social aux XVII-XIXE siècles. > Nicolas Bidet, Traité sur la nature et la culture de la vigne, 1759, tome 2, p. 267. © Roger Dion, Histoire de la vigne et du vin en France, op.cit., p. 608 et suivantes au sujet de l’avénement de 70