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Ils ont bien pris et mont méme donné deux grappes de raisins. Je men réjouis comme si je possédais le coteau de Tokay. Ma douce cousine, guun exilé doit se contenter de peu** ! » Notons ici que les origines des excellents vins actuels de Rodosto (Tekirdaÿ) remontent aux vignobles implantés par les vignerons français de la fin du XIX" siecle". Durant les années 1720, Rákóczi entretint des relations étroites avec la Porte par Vintermédiaire de son drogman Ibrahim Müteferrika de même qu'avec l’ambassade de France à Constantinople dont les responsables le consultèrent souvent dans des questions politiques et religieuses de l’Empire ottoman. Ce savant renégat d’origine transylvain était à l’origine de la fondation de la première imprimerie à caractères osmanli à Constantinople et il jouait un rôle important dans les négociations diplomatiques dans les années 1720-1740. Malgré sa conversion à l'islam, il était un grand amateur des vins et les diplomates français profitèrent souvent de sa faiblesse pour découvrir des secrets de la Porte“. Probablement, ce n’était pas seulement à l'ambassade de France à Constantinople où le vin hongrois était apprécié, mais dans d’autres représentations diplomatiques aussi. Selon une lettre de César de Saussure (le 26 mars 1733) l'entourage de l’envoyé de Pologne en consomma une grosse quantité à cette époque : « Je ne me suis pas trompé, lorsque je vous marquais dans ma dernière lettre, qu’il y avait apparence que nous ferions de grandes libations du vin d’Hongrie que Mr l’Envoyé de Pologne avait amené avec lui. Nous avons été pendant presque tout l’hiver si souvent en féte et nous avons tant fait de sacrifices 4 Bacchus, que j’en ai été fort incommodé ce printems. J’ai manqué de payer cher les plaisirs, ou plutot les exces, que j'ai fait le plus souvent malgré moi“. » Les vins de Crimée : un cas de figure particulier Les vins des Tokaj connurent un grand succès dans un pays vassal de l’Empire ottoman : le khanat de Crimée. Cet État-tampon très convoité avait un terroir exceptionnel où la culture des vignes existait depuis très longtemps. Les consuls de France en Crimée s’intéressaient vivement aux vignobles de Crimée qui avaient déjà une certaine notoriété. Le consul Charles de Peyssonnel, en fonction dans les 38 Idem. p. 280. % Voir sur les vignerons français qui étaient surtout originaires des Pyrénées orientales : Centre des Archives Diplomatiques de Nantes, Rodosto Etat Civil 171 EC 1* (1885-1886). 4° Au mois de novembre 1737, l’'ambassadeur francais s’occupait surtout de la question de la médiation. Son drogman s’entretenait longuement avec Ibrahim Miiteferrika aprés avoir bu une bonne bouteille de vin français ce qui facilita la conversation comme il raconta plus tard sa: « ... conversation qu il eut avec Ibrahim Effendy, que le vin avoit rendu plus cordiale qu’a l’ordinaire et dans laquelle cet effendy luy dit que l’on sçavoit bien que la Politique de la France étoit que les Turcs ne fussent ni trop forts, ni trop faibles, et qu’on ne trouvoit pas mauvais que nous ne servissions la Porte que faiblement quand le service que nous pourrions luy rendre seroit contraire 4 nos propres interets... » BNF, MS Fr. 7181 fol. 338-339. Extrait de la lettre de Villeneuve (le 15 novembre 1737). “| Lettres de Turquie et notices de César de Saussure, éd. K. Thaly, Budapest, MTA, 1909, p. 96. 62