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STÉPHANE KALLA

être modifiée (voire niée) à tout moment. Dans cette approche «héraclitéenne »
de l’objet substantiellement « multiple » en vertu de sa constitution temporelle,
l'unité de l’objet n’est jamais que provisoire, et peut être continûment déplacée
dans de nouvelles séries perceptuelles qui rendent difficile, voire impossible, la
saisie d’une essence (d’une unité véritable de l’objet).

Husserl qualifie d'objets temporels « des objets qui ne sont pas seulement des
unités dans le temps, mais [qui] contiennent aussi en eux-mêmes l'extension
temporelle‘.» L'idée d’une extension temporelle désigne la possibilité qu’a
substantiellement tout “objet” de s’étaler graduellement dans un flux de transitions
perceptuelles qui reportent continûment l’appréhension synoptique et complète
dudit «objet » :

«Tout être temporel «apparaît» dans un certain mode d'écoulement conti¬
nuellement changeant et « l’objet dans son mode d'écoulement » est sans cesse
à nouveau un autre dans ce changement, alors que nous disons pourtant que
l'objet et chaque point de son temps et ce temps lui-même sont une seule et
même chose’. »

De ce point de vue, l’objet ne se manifeste jamais à l'identique en vertu de son
intégration dans un continuum temporel (ou « durée ») modifiant constamment
les modalités de son appréhension. L'objet se manifeste en déployant ses
singularités dans un enchaînement déterminé de phases temporelles distinctes
correspondantes à des modifications perceptuelles continûment ajoutées. Ces
transitions de phases ne se présentent pas sous la forme d’une simple juxtaposition
d’instants hétérogènes, bien au contraire, elles sont pour ainsi dire intégrées dans
un continuum indivisible au sein duquel la complexité de l’objet se manifeste
dans un schéma temporel irréversible:

«Du phénomène d'écoulement nous savons que c’est une continuité de mu¬
tations incessantes qui forme une unité indivisible : indivisible en fragments
qui pourraient étre par eux-mémes et indivisible en phases qui pourraient
étre par elles-mémes, en points de la continuité. Les fragments, que nous
dégageons par abstraction, ne peuvent être que dans l’ensemble de l’écoule¬
ment, et de même les phases, les points de la continuité d'écoulement. Nous
pouvons dire aussi de façon évidente de cette continuité que, d’une certaine
manière, elle est immuable en sa forme. Il est inconcevable que la continuité
des phases soit telle qu’elle contienne deux fois le même mode de phase, ou
même qu’elle le contienne déployé sur toute une extension partielle. De même

6 Ibidem, p. 36.
” Ibidem, p. 41.

s 120 "