révéle parfois la technigue. Létat de succession dressé á la mort de Jeanne de
Gascg, mére du président Ségur, fait ainsi mention de la vente de x seconds vins de
Lafite »’®. Lacte indique précisément cinquante-quatre tonneaux de Lafite, vendus
270 livres chacun, un reste de 1702 livres provenant de la vente de la récolte précé¬
dente et de 990 livres « pour reste de vente des seconds vins de Lafite ». On opére
donc la distinction entre les premiers et les seconds vins de Lafite, ce qui conduit a
avancer considérablement la chronologie proposée par René Pijassou qui signalait
l'apparition de cette distinction 4 Latour, seulement 4 partir de 1730-1735”. Mais
qu'appelait-on exactement premier et second vin, et sur quel critère la sélection
était-elle faite ? On s’appuyait en fait sur l'ancienneté du ceps qui produisait le nec¬
tar. Or, l’importance de l’âge de la vigne est connue à Bordeaux au moins depuis
les années 1670. D’après les indications que lui donnaient ses hôtes, John Locke,
voyageur anglais, signalait lors de sa visite de Haut-Brion en 1677, que « les plus
vieilles vignes donnent moins de raisins, mais elles produisent le meilleur vin »!°°.
Cette quête de la qualité se lit aussi dans la pratique des vendanges tardives, no¬
tamment en Sauternais. Les premières mentions se relèvent dans cette région dès
le milieu du XVII’ siécle’”, a Poccasion des conflits entre le seigneur, prêt à risquer
sa récolte pour obtenir un meilleur produit, et le simple tenancier qui s’inquiéte
de l’état de la vendange. Cette pratique est utilisée par les Sauvage, propriétaires
d’Yquem, et probablement par les Suduirault et les Duroy, mais nous n'avons mal¬
heureusement pas trouvé d’actes explicites. Cet usage témoigne cependant par¬
faitement de cette recherche de la qualité, qui passait aussi par la technique du
vieillissement.
Pour les magistrats du XVIT: siècle, la question de l’âge du vin se pose surtout
en terme de conservation. Le livre de comptes du président Latresne fait appa¬
raître à plusieurs reprises la vente de vinaigre!®. La fin du XVII siècle et les pro¬
blèmes de mévente rendent la question cruciale, mais tous les magistrats ne furent
pas égaux devant la crise. Certains exemples montrent bien que la conservation des
vins, au-delà de l’année ou de deux années, n’était pas maîtrisée. Léonard-François
de Gombault!®, possède entre autres trois domaines de campagne : le bourdieu de
Carros, dans les Graves de Bordeaux, paroisse Sainte-Eulalie ; la maison noble de
La Rue, paroisse Notre-Dame de La Chapelle d Ambés et le bourdieu du Puch,
qui en dépend. À sa mort, en 1699, on relève dans le premier bien la présence de
six barriques d’un vin rouge de trois à quatre ans, « fort mauvais » ; dans le deu¬
xième bien, il y a six barriques de vin rouge de trois à quatre ans, « cuit et aigre »
mais aussi « deux barriques de vin vieux rouge », de deux à trois ans, qui semblent
% AD 33,2E 2605, liasse À, dossier de famille Ségur, règlement de la succession de Jeanne de Gascq, veuve
Ségur, le 18/06/1704.
9 René Pijassou, of. cit., p. 485-486 et 490-491.
100 Frangois-Georges Pariset, op. cit., p. 89-94.
101 Sandrine Lavaud, art. cit., p. 227-243.
1022 Archives de Bordeaux Métropole, ms 635, livre de raison du président François-Arthus Lecomte de
Latresne.